Rond-Point

Alain-Regis Barbe a accroché sur les cimaises de sa galerie une série de petits formats conçus pour elle du peintre allemand Hans-Jörg Dürr, qui expose pour la première fois en France. (pas vrais !) Originaire de la région de Nuremberg, I'artiste qui n'a pas atteint la cinquantaine, a déjà connu de jolis succès dans son pays où il avait co-fondé une école d'art, organise de nombreuses manifestations et expositions, réalisé des «installations", participé à des «performances» liant l'art et la musique avant de s'établir dans les Landes, dans un lieu plein d'histoire (le Château d'Hastingues), pour y trouver les conditions optimales de son travail de «chercheur».

Pour Hans-Jörg Dürr, I'objet d'art est un acte mental dans lequel le spectateur détient une part non négligeable. D'ou les pistes diverses que proposent les différents tableaux d'une même série qui représente à son tour un point de convergence. D'ou aussi le jeu de répétitions qui pourrait se décliner a l'infini parce qu'aucun des états ne prétend donner une réponse unique à ce qui l'a inspire. Chaque spectateur a le pouvoir de trouver dans l'un d'eux l'objet fini. C'est comme un texte de Francis Ponge, un auteur de références multiples pour l'artiste qui y puise même quelques-uns des titres de ses Oeuvres, fragments déconcertés qui deviennent le point de départ d'une association nouvelle. Les différents tableaux de la série sont comme les «brouillons» de Ponge, répétés mais jamais semblables, comme le sont les variantes ou variations musicales d'un morceau de musique baroque, traitées avec ou sans ornements. L'œuvre finie n'existe pas... Avec cet avantage du peintre sur le poète que l'ensemble construit sur les cimaises peut être saisi de façon synchroniseur et peut se renouveler dans une autre construction.

La répétition pourrait être une forme d'aliénation de la liberté et la démarche de l'artiste n'en est que plus ambiguë, pour lui qui fuit tout le déjà dit, tout ce qui fait cliché ou procède d'une convention, et qui, s'il peut le faire, travaille et expose dans des lieux inédits. Faisant feu de tout bois, il explore tous les supports et tous les matériaux, notamment ce qui l’éloigne du plat, comme la tôle dans laquelle il taille et peint une série de «masques», la plastiline (pâte a modeler) qui donne un relief particulier a son graphisme, les nombreux collages de fragments d'objets vus parfois a travers des verres transparents et déformants.1 Car rien ne doit être figuratif, puisqu'il n'y a rien a raconter, et que l'idée est surtout d'attirer I'attention sur d'autres pistes que le sens habituel de l'objet. Amener a regarder différemment...

Odile Crespy

La Semaine du Pays Basque, 16 au 22 mai 1997

1) II s'agit d'autres séries, d'autres pistes, non présentées dans I'exposition actuelle.